crédits : Compagnie Y et Thomas Martin

Vivre Vite

Brigitte Giraud et Etienne Gaudillère

En un récit tendu qui agit comme un véritable compte à rebours, Brigitte Giraud tente de comprendre ce qui a conduit à l’accident de moto qui a couté la vie à son mari, Claude, le 22 juin 1999. Vingt ans après, elle fait pour ainsi dire le tour du propriétaire et sonde une dernière fois les questions restées sans réponse. Hasard, destin, coïncidences ? Elle revient sur ces journées qui s’étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu’à produire l’inéluctable. А ce point électrisé par la perspective du déménagement, à ce point pressé de commencer les travaux de rénovation, le couple en avait oublié que vivre était dangereux. Brigitte Giraud mène l’enquête et met en scène la vie de Claude, et la leur, miraculeusement ranimées. Vivre Vite a reçu le Prix Goncourt 2022. 

« Je fais une dernière fois le tour de la maison. » / « Je me répète, mais ça fait vingt ans que je me repasse la scène » /

Parce que la colère : l’envie de tout péter, d’arracher les rideaux et de démonter le décor à coup de masse.

Parce que la folie : des phrases qui n’en finissent plus, en apnée, sans ponctuation, dans un rythme qui accélère comme une moto qui va trop vite, avec une musique qui s’amplifie, et tout cela va de plus en plus vite, rend de plus en plus fou, tourne de plus en plus, le décor, la lumière, la musique.

Parce que la tristesse : la lumière d’une longue éclipse au ralenti couvrant toute la durée du spectacle, comme si tout n’était qu’une suspension de la dernière seconde avant le drame, au bord du gouffre, avant que le dernier rayon ne s’éteigne pour faire raisonner les ultimes paroles dans le noir.

Parce que la joie : une image finale sur la musique des « Sparks » où tout est possible.

Voilà quelques unes des émotions que je veux explorer. Sur le plateau, j’imagine un grand cercle d’un bleu profond, peut-être un peu incliné, beau et mystérieux. C’est l’espace où parlera Anne de Boissy, le lieu où elle se déplacera, de long en large, de haut en bas.

Un cercle qui, par les jeux subtils de la lumière, évoquera la tragique roue avant d’une moto, un vinyle de la discothèque de la Part-Dieu, une horloge qui égrène les derniers instants de la vie de Claude, ou une planète Terre qui s’assombrit sous l’éclipse solaire d’août 1999.

Ce cercle, je le vois aussi comme le cercle de la pensée qui avance, qui recule, qui ressasse, qui essaie de donner du sens, quitte à emprisonner. Brigitte Giraud a mis en exergue à son roman : « Ecrire, c’est être mené à ce lieu qu’on voudrait éviter ». Ça sera ça, le centre du cercle : le néant du drame, de l’accident, de l’oubli, de la mort.

Sur le mur du lointain, surplombant la scène, j’imagine un autre cercle.

Celui-ci, c’est le soleil, plus grand, plus lumineux. Mais qui s’assombrit au fur et à mesure de la pièce, comme un long compte à rebours. Comme si la durée du spectacle n’était que le compte à rebours d’une éclipse, un crépuscule en temps réel.

Un cercle au sol, qui se transforme. Un cercle au mur, immuable.

Et au milieu, la parole du drame universel d’une femme.

Dossier de production